Bon, c'est pas tout, mais, si le ministre se fait allumer comme une perdrix le jour de l'ouverture, la mère Lilly a encore le droit à un peu d'intérêt chez les journaleux. Faut dire que jusqu'à hier elle était un peu tranquille. Ça flingue sec dans son quartier, mais en dehors de sa gamine, personne ne lui cherche vraiment des noises. La vioque elle est au centre & chacun veut qu'elle penche de son côté. Donc pas touche à la daronne.
Enfin pas touche c'est vite dit parce que là, les képis ont fait une descente chez elle. Et pour une descente s'en ait une. Les juges se sont pas pointés seuls. Y z'ont amené avec eux des bus bleus pleins à craquer, des camionnettes pleines de pousse-boutons & gratte-papiers. Les robes noires ont décidé de faire un tour chez Lilly histoire de se faire une idée sur comment ça vit chez les comptes à plein de zéros. En plus, si y trouvent des choses qui disent que Lilly elle est bien marteau, qu'elle se faisait braquer par Riri & ses petits copains, qu'elle arrosait les chefs de bande ou encore un truc qu'on a caché aux feuilles choux, y seront pas venu pour rien.
En tout cas il paraît qu'y cherchent des petits bouts de papiers. Heureusement qu'y sont venus avec une équipe complète & les remplaçants, parce que faire le ménage chez Lilly avec sa baraque qui fait la nique à celle de Nico, c'est pas du gâteau. À mon avis, s'y sont repartis avant l'apéro c'est que soit y avait rien à trouver, soit y z'ont rien trouvé parce qu'y savait pas où chercher.
Dans l'histoire, si y 'en a une qu'est pas jouasse c'est bien la vieille Betenlond. Elle était chez des potes quand on lui a filé un coup de bigo pour la prévenir que les poulagas avaient fait un tour dans sa piaule. D'un côté elle était à l'aise comme elle pionçait pas sur place & qu'elle s'était cassée ; d'un autre côté elle a pas l'habitude de recevoir du monde sans qu'y soient invités. Et là, faut avouer que côté invitations, ceux-là on les évite.
On va la faire rapide parce que ça recommence. Ce matin les gamins se remettent à gueuler dans la rue & y fait beau, alors j'me casse jouer aux boules avec mon équipe.
— Deux nouvelles lettres ! Deux qui plombent Riri ! Lisez-le dans l'édition d'aujourd'hui !
Y m'font marrer ces presse-papiers. J'lavais oublié celui-là, pourtant y l'est connu. C'est le « Journal De Demain », celui qui sait tout à l'avance. Cette fois-ci y font fort. Le canard y dit qu'on a mis la main sur des papiers comme quoi Riri avait vraiment pistonné Ricky : « Deux autres courriers ont été saisis dans le bureau de Ricky Le Grand .»
Ce coup-ci, les journaleux nous montrent qu'y z'ont le carafon pas très rempli. Comment le ministre y peut savoir c'que Ricky a écrit puisque le papier est toujours dans son bureau ? 'Tain, je sens que je vais vous foutre un bordel de première dans les jours qui viennent ; j'vais niquer Nico & La Reine d'en face. Y'aura plein de courrier dans ma piaule qui lui disent merci pour m'avoir fait pas trop raquer chez les poulets du pognon & que c'est promis, la prochaine fois qu'y monte sur le ring, je mise sur lui. Je lui filerai, à lui & son équipe, une valise de biftons pour qu'y soit sûr de gagner. Sous l'évier les flics y trouveront la même chose, mais qui enfonce Sego La Reine & sa bande. Tout le monde chez le juge j'vous dis. Pain béni pour les vieilles robes noires à perruques blanches & les marchands d'encre, y vont ramasser de la monnaie comme jamais.
Je sens que j'vais finir par faire mieux que le Journal De Demain. Comme Riri est né le 29 janvier, y l'est Verseau. Alors, j'vais vous faire une compil de c'qui disent dans les canards de gonzesses. Vous pourrez feuilleter le Journal du mois prochain ! Je serai encore plus bas-de-plafond qu'eux. Quoi que, j'sais pas si j'y arriverai parce que c'est leur boulot qu'y z'ont appris & moi je l'apprends, enfin j'essaye.
Comme vous avez vu, chacun son tour y passent à la casserole & y font la une des papiers. Ça tient quelques jours, p'têt une semaine & c'est fini. Faut être honnête au début ça passe, après ça lasse. Alors, le ministre a été laissé peinard pendant maintenant presque un mois & comme les gratte-papiers ont pas grand chose à raconter pour vendre leur encre, y fouillent les tiroirs, & ceux des potes ; y sortent le scandale qu'y peuvent. Cette fois-ci c'est Riri qu'a demandé à Nico de filer une médaille à Ricky le Grand. Y z'ont le papier ! Ricky c'est celui qui s'occupe du pognon de la vieille, c'est avec lui que la femme à Riri bossait y'a pas longtemps, & puis Clara aussi elle bossait dans le pognon de la vioque avec Ricky, & elle aussi elle a pris la lourde. Fait pas bon bosser avec Ricky cet été.
Comme Ricky a eu la grosse médaille de France, c'est sûr que ça sent pas bon. Le p'tit problème c'est que les gars y savent pas comment on les donne les médailles. Y savent écrire, mais pas lire ; y'a qu'à voir le nombre de fautes qu'y font. Même moi qui suis pas bon là-dedans... bin y me mettent velu les journaleux.
Revenons-en à la médaille. T'as une catégorie spéciale, c'est le sportif ; ceux qu'ont chopé un pendentif doré lors des jeuz'o y z'ont d'office la version française du tour du cou. Sinon y'a que les chefs qui choisissent ceux qu'ont le droit ; en gros y'a le patron Nico & son équipe, point barre. Comme y connaissent pas tout le monde on leur donne des tuyaux & y choisissent. Et tout le monde peut pistonner un collègue. Si tu veux que Joe en gagne une, c'est simple, t'appelles ton réseau & tu leur fais signer un papier comme quoi y sont d'accord que ton pote y faut lui en filer une. T'envoies le papier au préfet du coin & t'attends. Y vont voir de qui tu causes & s'y vaut vraiment le coup de recevoir un ruban. Si c'est oui, bin il recevra un papier, y faudra qu'il raque pour un paquet de truc, les formulaires, le bout de tissu, la rondelle brillante, le costard & la chemise propre ; & puis il faudra qu'y fasse un fête & qu'y trouve quelqu'un pour lui filer la médaille & le diplôme.
Bref, sauf les sportifs & certains barbouzes, tous ceux qu'ont la dorure & le ruban y se sont fait pistonner, tous. T'as pas le droit de demander, faut qu'un autre le fasse. Alors je vois pas le problème qu'un ministre ait trouvé qu'un gars soit bien & demande qu'il y ait droit. De toute façon, le pauvre Ricky le Grand, il a fait ses études dans des endroits où les gars de la haute apprennent à se faire des potes quoi qu'il arrive. Même si Joe le Baron flingue René Gros Bras, qu'était ton chef, t'as suffisamment de frangins de l'autre côté pour pas y passer toi aussi.
Résumons : Riri y l'a dit à un patron que ce serait bien qu'on fourgue un bout de tissu rouge à Ricky, un an après on dit que pour Ricky c'est good. Faudrait que les canards y nous sortent la liste des pistons qu'y a pour cette foutue rondelle, y aurait plus que les sportifs qui seraient pas des enfoirés de pistonnés. Y se ferait tous virer & ça serait chouette d'avoir de nouvelles tronches à la télé, non ?
Tout le monde veut faire la Une une fois dans sa vie, ou alors tu ouvres ton sac pour faire bien auprès des copains et montrer que t'es dans le secret des chefs. On a déjà eu Bébé, le maître d'hôtel à Lilly, qu'avait mis de côté ce qui se disait dans le bureau fermé de sa patronne, y a aussi Clara qu'a balancé des histoires d'enveloppes et de valises de biftons qu'elle allait chercher quelques jours avant que des chefs de bandes viennent taper le carton chez la vioque. Ce coup-ci c'est des papiers de chez le notaire qui pointent leur nez.
Bin ouais, c'est pas toujours propre chez les notaires parce qu'y en a qu'ont des papiers qui traînent et faut pas que les autre sachent ce qui a écrit dessus. C'est plus du tout drôle le lendemain qu'on t'as foutu en caisse sous le gazon. Y'a plus de surprise.
C'est plus du genre : — Madame, Monsieur vous avez été conviés ce jour pour régler la succession de feu Madame Lilly...
On aura plutôt : — Madame, vous avez été conviés ce jour pour... — La ferme le rond de cuir ! Passe-moi les clefs de l'appart, le chéquier et les meubles ! J'ai pas que ça à foutre. Et puis c'est où que j'signe ? Alors tu te magnes ou j'appelle les flics. — S'il vous plaît, je dois vous lire ses dernières volontés, c'est la loi. — On s'en cogne de tes histoires, ton discours tu te le carres où j'pense puisqu'on l'a déjà lu dans le journal d'hier. Alors il est où ton papier que je griffonne dessus et que je me casse.
Je sais pas si vous avez vu mais le notaire y dit plus « Madame, Monsieur », y dit « Madame ». C'est tout. Y'en a plus de Monsieur. La gamine elle est toute seule dans la course et sûre de récupérer le gros lot. Ça change un peu la donne, non ? Ouaip ! Z'avez compris. Francis a été sorti du terrain. Et pas par n'importe qui, pas par un juge où un thérapeute. Non ! Par l'arbitre en chef, Bas-de-Laine elle-même. La Lilly elle a viré Francis de l'équipe pour l'après-match parce qu'y jouait un peu trop perso.
Vous savez ce qui nous attend maintenant ? C'est que Francis attaque Francine parce qu'elle aurait profité de la faiblesse de la tête à Lilly pour que la daronne le raye sur le papier. C'est pas dit qu'y fasse ça, mais y jouent un peu avec leurs règles la bande à Betenlong et on est pas prêt de connaître la fin.
Vous vous rappelez, Francine elle a demandé à un toubib de vérifier si sa daronne était pas gâteuse ? Et y en a un autre qu'a dit que tout roule dans la cabasse à Lilly. Bin ça a fait du bruit chez les blouses blanches. Pour une fois ça va pas être les globules du client qui vont gicler, ça sera les leurs.
Quand les avocats sont pas d'accord, c'est pour ça qu'y sont là, y vont gonfler leurs meutes de toubibs. Celui qui bosse pour la gamine, il a dit que la vioque elle avait les neurones qui commençaient à manquer & que plus y en a en moins, moins elle sait ce qu'elle file en plus à Pousse Bouton. Comme les robes noires se tirent dessus à boulets rouges, les blouses blanches font pareil. Imagine une baston entre des gars que tu payes pour te soigner & y en a un qui dit que t'es malade & l'autre que tout roule. Tu les prends ou tu les prends pas tes médocs ? C'est pareil pour Bas-de-Laine sauf que c'est pas elle qu'a demandé à savoir si elle est patraque, c'est sa petite. C'est un peu le contraire de d'habitude quand ce sont les vioques qui font soigner leurs petits, mais quand on est pété de tunes on change souvent les règles, histoire de s'amuser un peu.
Maintenant faut savoir que les blouses blanches y z'ont leurs juges à eux. C'est là que ça devient drôle & que les pros d'Auteuil c'est des p'tits bras par rapport à l'équipe qu'on a maintenant. On se retrouve au départ du grand prix de boulevard Haussmann avec une sacré écurie de robes noires, toques blanches. Le grand-prix d'Hippocrate est lancé pour savoir lequel est le meilleur, & comme toujours, celui qui fait pas bonne allure y sort du terrain. Là, on a un petit soucis sur ce genre de steeple, c'est qu'y a pas trop de bosses ou de rivières à passer. Si tu veux savoir si ton gars doit aller en tôle à la Salepétrière tu peux toujours lui en prendre un bout, regarder à la loupe, mettre des gouttes dessus pour voir quelle couleur ça prend ou filer ça à un rat blanc & attendre de savoir s'y claque ou s'il a toujours la pêche. Avec ce genre de choses t'as une bonne idée de combien d'années y va prendre. Ici t'as pas ça, tu causes avec lui & tu comptes les conneries qu'y dit. S'y en a quelques-unes il est normal, s'y en a trop y l'est pas bien, si y'en a pas c'est grave mais tu fermes ta gueule parce qu'y saura prouver que tu te goures. T'y connais rien.
Comme la Lilly elle est passée dans le poste sans faire de boulettes, ça va pas être facile de juger l'arrivée & comme y peuvent pas départager sur photo tout le monde va récupérer sa mise. Ça aura fait du bruit. L'arbitre qui doit dire si Francine a eu raison de sortir les flingues est pas plus avancé & y va dire « zéro partout, balle au centre ». Y'a plus qu'à attendre le coup sifflet final.
Ça a pas manqué, quand y a du fric à la une ça attise les engueulades & là, la brique que Francis ramasse tous les ans avec l'Auréole, ça réveille certains. Faut dire que les gars qui sont payés pour être sûrs que leurs potes touchent ce qu'on leur doit, un bijou comme ça ils vont pas le laisser passer. Sa boîte touche quatre cents kilos tous les ans. Et alors ? Elle est en faillite sa turne.
Revenons-en aux gus qui encaissent pour que les autres en fassent autant. Y sont des pros de la discussion à battons rompus, surtout quand y descendent dans la rue. Leur grand truc, ces dernier temps, c'est plus que les copains gagnent plus en trimant autant qu'avant, c'est qu'y touchent autant en en foutant moins. Comme tout va pas bien dans le taff y se sont dits que plutôt que d'essayer de récupérer plus d'oseille, ce que les boîtes savent plus faire, on va faire le contraire. Puisque j'arrive plus à avoir plus pour autant de boulot, bin je vais m'arranger pour que tu bosses moins pour pareil. En fait t'encaisses autant mais je t'ai fait gagné des jours de vacances. Comme t'as autant de biftons dans le larfeuille & que t'as beaucoup plus de temps pour le claquer, t'es dans la mouise.
Au lieu de passer une heure le soir au troquet avec les potes, t'y es maintenant deux heures, & le patron, avant qu'y baisse le rideau, y te demande la même note ? Bin non, t'es resté deux fois plus de temps alors t'as picolé deux fois plus, donc t'as claqué deux fois plus. Ta fin de mois tu commences à l'appeler fin de semaine & c'est beaucoup moins drôle.
Alors les défenseurs du pauvre travailleur y se sont mis à attaquer l'Auréole en disant des trucs, mais alors... si les cons se taisaient les journaux feraient faillites. Le record de France a été battu d'une large tête par Caryon le délégué chef chez l'Auréole. Je dis large pour sa tête parce que vous allez voir que côté profondeur c'est pas ça, si on la remplissait de flotte, je suis sûr qu'on pourrait pas y noyer une souris. Le Caryon y dit « puisque Francis est de fait un salarié de l'Auréole, l'affaire devient une affaire l'Auréole », bin oui, pour lui si tu bosses pour Machin tu bosses chez Machin. Si seulement c'était vrai. Tiens, avec tout ce que je bosse pour les impôts, je devrais être un fonctionnaire, non ?
Ce qui est chouette avec Lilly & ses potes c'est que plus ça va plus on a de monde embarqué dans l'histoire & franchement on commence à avoir n'importe qui. Mais c'est pas fini & demain, un nouvel épisode de la saga Lilly va certainement se ramener avec de nouveaux acteurs.
Je viens de faire un tour dans mes poubelles et, en me promenant dans les papiers, j'ai retrouvé des trucs que j'avais ratés. Des gars de l'Auréole ont mis la main sur Pousse-Bouton & le cash qu'il encaissait régulièrement. Faut reconnaître que le Francis est un gars de la haute qui cause qu'avec les grands, & quand on est grand & de la haute, on est cher. C'est pas pour rien qu'on l'appelle « mon très cher maître ».
Tiens ! Y a quelques quinze ans maintenant il a même fait une exposition à la fondation Chartier. Vous savez, ceux qui vendent des cailloux à des prix défiant toute concurrence ; qu'y disent. C'est normal parce qu'y a pas un concurrent qui réussira à te fourguer du gravier contre un tel wagon de biftons. Eux, si ! Les prix qu'y mettent ces gars là c'est tellement de zéros après le 1 que tu lirais ça dans un polar, tu penserais que l'auteur roule pas ses tiges avec des feuilles de la SEITA & qu'y devrait retourner sur les bancs pour réapprendre à compter. Imagine, leurs machins coûtent tellement que si tu vends ta baraque, ta caisse & que tu mets madame sur le trottoir, t'auras toujours pas assez pour lui acheter une bagouse à ta Simone. En plus, leurs caillasses sont tellement grosses que tu fais sapin de Noël si t'as les moyens de raquer pour une totale oreilles-cou-doigts. Et pas besoin de mettre des piles dedans, c'est tellement brillant que ça clignote tout seul. Y'a qu'à Las Vegas qu'on trouve mieux.
En tout cas, le Francis il a signé des contrats avec l'Auréole pour les aider dans tout ce qui touche à l'effet que ça fait leurs trucs. Il est là pour leur dire si les couleurs sont biens pour le prochain hiver, qu'ils devraient changer de gonzesse sur leur propagande & en choisir une plus maigre ou plus grande ou plus rousse. Bref, on le paye parce que c'est un artiste & un artiste ça a toujours des idées. Quoique pas tous, en tout cas y'en a qu'ont pas plus de neurones que mon ongle & qui se disent artistes.
Donc le Francis il a une boîte, Hérézy, qui fait devinez quoi ? De la photographie, en tout cas c'est ce qu'y z'ont dit quand y z'ont commencé. Je suis allé faire un tour pour voir leurs comptes... Bin mon vieux, ça va mal chez Francis, sa boîte a tellement perdu d'argent ces dernières années que je sais pas comment y fait pour payer ses larbins. Mais y'a pas à dire, quand t'es de la haute, les banques elles te laissent peinard. Je me demande combien de temps y vont le laisser tranquille avec les briques que sa boîte a perdue, d'ailleurs je me demande si un juge va pas aussi mettre son nez là-dedans parce que ça sent pas bon du tout & ils aiment ça les gars en robe noire. Plus ça pue, plus tu en auras. Y sont un peu comme les vautours, plus ça sent la charogne plus y se lèchent les babines.
Pousse-Bouton a donc sa turne qui joue au parachute en ayant oublié la toile, mais c'est pas tout. Il encaisse aussi en direct de l'Auréole. Comme ça si le banquier vient lui demander que Hérézy rembourse la brique & demi qu'elle lui doit, y ferme la boutique & y continue d'encaisser en direct. Avoir un contrat avec sa boîte c'est bien, mais en avoir un direct in ze pocket c'est pas nul non plus. Il est bon en addition le gars Francis, y a pas à dire.
On était tranquille, le mois d'août commençais à sentir la mer & v'là t'y pas que le papier se remet à faire du bruit autour de Flouze Brother. Faut dire que le ministre il est pas vraiment à l'aise avec toutes les boutiques où il a bossé. On l'a déjà aligné avec la famille L'Auréole & là c'est la même chose avec un artiste tôlier de la haute. Quasi même motif, même punition. La différence est que cette fois-ci c'est pas renvoyer du blé à celui à qui on en a trop piqué, c'est s'arranger pour que sa marmaille en paye pas trop dès le départ. C'est plus « j'te pique, j'te rends » c'est « j'te pique pas ». On couvre tous les cas de figure sauf « j'te pique, point barre », mais ça c'est pour Marcel Dupont & tout les autres.
Honnêtement, c'est vrai que pour le péquenaud moyen ça fout les boules de savoir que, si t'es un bourge de compétition & un vrai, un qu'encaisse le RMI de tout l'immeuble en quelques heures, alors les pantoufles de Bercy vont te filer de l'avoine au lieu de pomper sur ta récolte. C'est toujours comme ça avec la façon qu'on a de raconter les histoires. On gonfle tout pour faire rire, pleurer ou trembler ; kif-kif avec le téléphone arabe, tu files un tuyau à un pote & tu retrouves le contraire dans le canard du matin, parce que ça lui fait des jolis plumes.
Exemple : suite au décès d'un ferrailleur y a un paquet de tôles en héritage & ceux à qui on va les fourguer doivent en filer un bout. On fait un premier compte & on trouve 1 200 tonnes de tôles. Ça fait lourd, très lourd & les gamins doivent payer un paquet, une douloureuse de cent patates. Y'en a qui râlent parce qu'y en a un peu beaucoup trop & qu'ce serait sympa de recompter histoire que tout le monde soit d'accord avec le partage. Un juge est mis sur le coup & y suit le mouvement. On recompte & y'en a moins cette fois-ci, genre des restes de bagnoles qui avait cartonné grave & qui ne valent pas grand chose. Ça fait trois cents tonnes en moins. On a donc 27 patates de moins à filer à Riri & sa fiscal team.
Résumons pour le voisin d'en face qui comprend pas trop : Y'avait trois cents bouts de tôle en trop & au prix où qu'ça coûte ça fait 27 briques à oublier. Riri était d'accord avec les gars en robes noires & de toute façon il est pas de corvée sur ce genre de chose.
Les papiers comprime l'histoire en ne gardant que c'qui fait le plus du bruit : Riri fait cadeau de 27 bâtons à un groupe de pétés de tunes.
Voilà, z'avez compris. Y'a différentes façons de lâcher le morceau. Des fois on l'ouvre & on dit pas tout parce que les autres savent de quoi on cause, d'autres fois on raconte pas tout pour pas avoir de problèmes au cas où il y ait un képi dans la salle, ou, enfin, on dit pas tout pour garder des trucs pour plus tard. Maintenant, entre nous, si les marchands de boniments disaient ce qu'on sait déjà on irait pas raquer pour leur prose. C'est quand même bien quand y disent pas tout, histoire d'avoir des épisodes sous le coude. Mais c'est pas parce qu'on dit pas tout qu'on dit n'importe quoi, hein !
Je vous avais parlé de défilés à la maison poulagat. On a Clara qu'est venu vider son sac & tout le monde va y passer. Puisque cette histoire a pris jour dans le désordre & qu'elle continue à plein régime, je vais vous sortir les morceaux comme ils me viennent. De toute façon si je suis bordélique, là, je suis comme un gamin de huit piges qui voudrait rentrer dans une grande école.
En vrac, on va avoir tout le monde qui passe devant le curieux. Et comme entre le moment où y en a un qui passe son examen, le moment où c'est dans les feuilles de chou & le jour où on a le résultat, y en a au moins un autre qui est passé : on peut rien avoir dans l'ordre. En plus je parie que les scores vont être nuls. Juste un truc pour vous faire baver d'envie & continuer d'apprendre à nager, on a maintenant : ⁃ Les blouses blanches qui vont se mettre d'accord sur ce qu'y pensent du tas de neurones de la vieille ; ⁃ Une baston entre Pousse Bouton & la gamine ; ⁃ Des descentes de perdreaux à peu près partout ; ⁃ Le flouze qui serait masqué dans le pays de la poudre de lait ; ⁃ Les attaques sur les fuites dans les papiers ; ⁃ Les gueulantes de ceux qui sont pas contents de ce que les autres racontent ; ⁃ ...
Alors je commence par Riri. Il a passé sa journée au poste pour raconter ce qu'y sait. Et y dit ce que je vous avais causé tout à l'heure. C'est pas lui qu'a décidé de rembourser Lilly. Il est pas là pour ça & ses gars, ils ont fait leur turf comme c'est dit dans les bouquins. C'est sûr que ça fait beaucoup, mais si on lui en retourne une liasse c'est qu'elle avait raqué encore plus. Ensuite là où ça le gène un peu plus c'est que sa gonze elle bossait pour Célimène, donc pour Lilly. J'ai dit « bossait » car c'est plus le cas, elle a plaqué la bande à Lilly. C'était y a peut-être que quelques jours, mais elle l'a fait. Donc, on a un ministre, dont l'équipe à renvoyer un gros paquet à la vioque, & sa meuf dont le turf était de faire grossir le pactole. La donzelle est là pour améliorer le tas de grisbi, le mec son truc c'est d'en récupérer un max & y fait le contraire, il en donne. C'est sûr que ça fait bizarre, surtout qu'y paraît que la bande à Lilly a pas tout dit sur l'artiche de la vieille.
Plus ça avance, plus c'est drôle, enfin drôle... c'est plutôt le bordel, & un bordel c'est pas là où on pleure. J'ai beau suivre ça avec les gamins qui gueulent dans la rue, je commence à ne plus savoir laquelle de mes chaussettes est la gauche.
Après tout ce que je vous ai dit, z'êtes d'accord que la presse voit pas les choses comme les condés. La presse elle dit sa vérité & ça l'arrange quand ça gène, les poulets, eux, y doivent trouver la vérité, point barre. On a donc deux clochers qui font péter le tocsin en veux-tu en voilà avec deux blèmes : ⁃ Y sont pas en rythme ; ⁃ Question accord, c'est pas nickel-chrome. ⁃ On se croirait dans une cour d'immeuble le soir de la fête de la zique.
Pour faire simple, je vais vous prendre en exemple le laïus de Clara. Dans ce qu'elle a dit, que les feuilles de chou y répètent, y a un gros poisson à propos de Nico. On peut lire que la vioque elle aurait refilé des pacsons de talbins à Nico depuis qu'y contrôlait des trottoirs de l'autre côté des maréchaux. C'est vrai que question boucan ce genre de discours ça en fait ; même ceux qui pioncent à Orly ils ont pas droit à autant. Vous vous rendez compte ? Le capo di tutti capi qu'aurait ramassé des enveloppes depuis qu'il a eu des poussées d'acné. Pourquoi que Lilly lui aurait pas offert un stylo en jonc pour son premier rôt pendant qu'on y est ? En tout cas c'est ce qui est écrit.
Maintenant, on a la version de ce qu'elle jacte devant les pandores & c'est pas vraiment pareil. On obtient :
— J'ai jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à Nico.
C'est ce que j'ai lu dans des canards. Vous me direz que c'est encore de l'encre. D'accord, mais là y disent ce qu'y a dans le rapport de flics. Pour le coup, si y veulent qu'on continue à les lire y vaut mieux qu'y déconnent pas. Franchement, un jour y racontent que Clara dit rouge & tout le monde se met à crier que c'est pas bien qu'y sont tous des méchants, des grinches & qu'y faudrait les coffrer. La semaine suivante les mêmes racontent qu'en fait Clara dit vert. Vous vous y retrouvez vous dans ce sac de papiers ? Moi, je commence à perdre les pédales & je me demande si ce que je dis est vrai. Remarquez, si aujourd'hui je me goure, la semaine prochaine on me dira peut-être « Chapeau ! »
Il faut quand même lire mot à mot sa jactance. Elle cause qu'elle n'a jamais dit que Nico passait « régulièrement ». Attention ! Elle raconte pas qu'y venait jamais, ni qu'y venait toujours, mais qu'y venait. Et on retourne au début où elle raconte qu'elle vidait la pompe à flouze deux fois par mois pour que la daronne ait de quoi se payer quelques babioles, & que mémère elle avait souvent les grands chefs à la maison. On est toujours à la case départ & si y a des tas de biftons d'un côté & du monde qu'en aurait besoin de l'autre ; y a pas de tuyaux entre les deux. Le plombier l'est pas encore passé. Ça, ça gêne tout le monde & quand je dis tout le monde c'est tout le monde. Les baveux qu'ont de l'encre en stock qu'y faudrait écouler, les pandores qui veulent montrer qu'ils ont tout compris, les pékins qui voudraient comprendre le début avant de connaître la fin ; & moi qui veux pas passer pour un con en ayant raconté n'importe quoi.