J'vais passer un peu de temps sur lui parce qu'il est plus là & que c'est lui qu'est au départ de tout.
Gégène était le gamin d'un fabricant de bricheton qui pratiquait dans le quartier du cherche-midi. J'parle de lui à l'ancien temps vu qu'y s'est chopé la carline y a tellement de lustres qu'on pourrait éclairer Vaugirard sans soucis. Il a vécu dans cette époque ou Marthe faisait des dégâts & les grues, de la débutante à la cendrée, se retrouvaient à la rue. Pour closes, les baraques elles étaient closes.
Avec tout ce monde dehors, les épouses miraient maintenant les marmottes dont on leur avait tant causé. La vérité leur sauta à la tronche. Y-avait de la concurrence & de la sérieuse ; de la domestique & de l'import, tous les goûts dans la pâture. Y fallait maintenant qu'elles revoient leur vernis.
C'est vrai que la Josette elle avait du pain sur la planche si elle voulait que son Robert y regarde pas par la fenêtre. C'est pas qu'un bon rognon au Madère qui va calmer les envies de galipettes du chéri. Et puis, le gars il a envie de nouveauté de temps en temps. C'est « l'habitude qu'est l'origine de lassitude » comme y disent dans les immeubles à moulures.
Gégène qu'avait débuté dans la production de poudres & liquides se dit qu'on pourrait se faire du beurre avec ce paquet de bergères. Y se monta une affaire, L'Auréole, & bossa comme un âne sur cette idée en attaquant le problème par le haut.
Ça faisait un baille qu'y avait du monde dans la sape & y se dit que se refaire la façade serait aussi utile. Y balança sur le marché un lot de rouillardes qui te refaisait le feuillage dans tous les sens. Aplati, en tire-bouchon, de la couleur que tu veux, tu sortais la tête du bidet & t'avais les tifs comme la voisine d'en face ou la pro du bout d'la rue. Y-a pas à dire, avoir de l'Auréole sur la tronche, ça change.
Après s'être fait du beurre avec le crin, le Gégène se remit à la paillasse & sortit de la came pour le reste. Et quand j'vous dis le reste, c'est vraiment tout le reste. De la tronche aux arpions, y'avait tout & n'importe quoi pour n'importe où. De l'apprêt pour lisser la tronche, de la peinture pour avoir les billes de la même couleur que le porte-appas, de la teinture pour être unie des poils du gousset à la moniche... tout, tout, tout.
Ce qui était bien pour lui c'est que sa production marchait avec tout le cheptel. Les daronnes reprennent de la jeunesse, les boutures se disent fleurs, les pros se font passer pour des débutantes en chasse d'un décapsuleur & les hirondelles se présentent comme expertes dans le maniement du goupillon.
En bref, les Jules cocufiaient dans leur paddock avec leur gonzesse ! C'est sûr que les macs ont pas aimé ça. Y-avait tellement de viande sur le marché qu'ils ont dû casser les prix pour tenir le choc.
Bien installé sur le visible & les confrères courant comme des branques derrière lui, Gégène continua son bisenesse. Y se lança sur le tarin avec des poudres qui empêchent de sentir le lapin ou le poisson. Une fois qu'on dégage plus du fétide, on veut donner dans la rose. Pas raté, le Gégène se mit à en vendre. Après toutes les couleurs, toutes les odeurs. L'Auréole ramenait tellement de billes que Gégène faisait ses courses en reprenant les concurrents dans son écurie.
Avec tout ça Gégène a encaissé un paquet de biftons & c'est ce tas de bijoux qu'est la cause de ce qui suit.